Templier
OPALESCENCES
David Templier photographie les plus beaux paysages. Les plus grandioses. De l’Islande à l’Inde en passant par Dubaï ou le Groenland, il célèbre dans chacune de ses images le spectacle absolu de la nature, le théâtre vrai de la Terre. Ce faisant, magie de la perspective, il témoigne dans son œuvre de la splendeur inouïe d’un monde en voie de disparition.
L’exposition que lui consacre la Galerie Christophe Gratadou nous entraîne sur la côte d’Opale, où le photographe, traitant son sujet en rapport à son histoire familiale ainsi qu’à l’histoire de la peinture mais aussi à celle de notre environnement, poursuit l’œuvre entamé par son arrière grand-père, le peintre Charles Roussel (1861-1936) qui réalisa, au pinceau, des instantanés joyeux et naturels de la plage de Berck-sur-mer. Collusion méta-artistique, l’artiste se rend sur ces mêmes lieux, embrasse ses origines et capte, malgré la distance du temps, des scènes similaires. Ces panoramas prodigieux, la mer, le ciel, le temps, les gens, confondus, évanescents. On est aujourd’hui et on est hier aussi, tant sont ici symbolisés les différents stades de l’évolution de l’art de la représentation. La photographie se fait palette, glacis, patience. Elle se fait tableau, charge le ciel de nuages, se joue de la clarté et des saisons, héritière digne du geste de peindre. On se baigne au milieu de ces petits personnages qui lézardent au soleil, jouent au cerf-volant, s’imprègnent de la nature, qui respirent et se soumettent aux éléments, à la pluie et au vent. Rapprocher les photographies de David Templier des petits bois de Charles Roussel c’est aussi constater le drame qui se tisse, les dunes qui s’affaissent et reculent, le déshonneur de notre époque, l’impact de l’être humain sur la planète. C’est un voyage somptueux et effrayant dans notre sauvagerie contemporaine, un périple en écologie profonde. C’est aborder aussi nos héritages, nos espérances et nos transmissions. Nos trahisons. Une manière esthétique et subtile, poétique et violente, opalescente, de nous mettre véritablement, au monde, à notre juste place.
Pascale Geoffrois